Le Manoir oublié - T1 - Les temps glorieux by Anne Jacobs

Le Manoir oublié - T1 - Les temps glorieux by Anne Jacobs

Auteur:Anne Jacobs [Anne Jacobs]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions Charleston
Publié: 2024-02-21T00:00:00+00:00


Mina

Novembre 1990

Le vent froid et impitoyable s’attaqua à la jupe et au foulard de Mina dès qu’elle fut descendue du bus. La vieille femme répartit ses différents sacs et son parapluie de manière à pouvoir marcher commodément. Ce n’était pas loin, quelques rues à parcourir, mais elle craignait toujours de s’égarer et, au retour, de ne pas retrouver l’arrêt de bus. Ce jour-là, Ulli passerait la prendre à l’hôpital et la raccompagnerait chez elle, ce dont elle était très soulagée. Comme le chantier où il travaillait avait instauré le chômage partiel, il était libre une partie de la semaine.

— Bonjour, dit-elle à la réceptionniste replète aux cheveux teints en noir. Je viens voir Mme Kettler.

Le pavillon d’hospitalisation était un préfabriqué comme il y en avait beaucoup, aux allures de bloc gris. Ulli et Angela vivaient eux aussi dans un bâtiment de ce type. Ils avaient trouvé ce logement par l’intermédiaire du chantier naval. À l’époque, ils en avaient été ravis. À présent, toutefois, Angela le trouvait trop petit et trop sonore. On comprenait chaque mot de ce qui se disait dans le salon des voisins.

— Troisième étage, chambre 215. L’ascenseur est au fond. N’appuyez pas sur le bouton vert, s’il vous plaît.

Mina la remercia et se dirigea vers ledit ascenseur. Trois personnes assuraient l’accueil en alternance. Une jeune femme blonde avec des lunettes passablement désagréable. La dame aux cheveux teints, la cinquantaine, qui était gentille. Et un jeune homme, qui devait avoir trente ans au plus et était très beau garçon. Karl-Erich s’était moqué d’elle lorsqu’elle lui avait parlé de ce réceptionniste à qui elle trouvait une ressemblance avec le baron Heinrich-Ernst, mort si prématurément.

« Qui sait ? avait-il plaisanté non sans amertume. Il ne crachait pas sur la bonne chère, le jeune baron. Il se servait à sa guise. Si ça se trouve, ce garçon est un de ses petits-fils ou arrière-petits-fils. »

Ah, pourquoi lui en avait-elle parlé ? Karl-Erich ne pouvait oublier ce qui était arrivé à Grete ; sa colère ne désarmerait jamais. Alors qu’elle s’apprêtait à prendre l’escalier, une infirmière lui fit signe de la rejoindre dans l’étroite cabine.

— Vous n’avez pas l’habitude de l’ascenseur, n’est-ce pas ? lui demanda-t-elle en souriant. Pourtant, c’est bien pratique quand on est chargée.

— C’est vrai, convint Mina.

Elle était née paysanne et l’était restée. Vingt-cinq ans durant, elle avait trait les vaches, tamisé le lait et assuré son conditionnement. À l’époque où elle travaillait au manoir, elle portait de jolis habits propres et un tablier blanc. En ce temps, elle croyait s’être élevée au-dessus de sa condition. La vie s’était chargée de lui rappeler où était sa place.

L’aimable infirmière descendait au deuxième et Mina craignit que l’ascenseur ne retourne au rez-de-chaussée, mais il reprit sa montée vers l’étage suivant, où la porte s’ouvrit en faisant entendre une légère sonnerie. Un couple d’un certain âge à l’air soucieux patientait sur le palier et s’engouffra dans la cabine sans même la saluer.

C’est typique de la ville, songea Mina. Chacun se trimballe avec ses soucis et vit entouré d’inconnus.



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